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Les infrastructures TI en route vers un rééquilibrage
L’adoption du nuage a connu une croissance fulgurante au cours de la dernière décennie, suffisamment pour obtenir le statut de commodité et, parfois, être perçue comme une réponse à tous les enjeux TI.
Cependant, on observe depuis 2023 une tendance à la recentralisation partielle de certains systèmes. Ce n’est pas un rejet du nuage, mais plutôt une volonté des organisations de reprendre la maîtrise de certains éléments de leur infrastructure informatique. Les obligations réglementaires, telles que la Loi 25, imposent un encadrement plus strict de la localisation et du traitement des données.
Beaucoup d’entreprises ont découvert que le nuage, sans une gouvernance rigoureuse, peut devenir coûteux. Le modèle « paiement à l’usage » est très attractif, mais peut entraîner des surprises s’il est mal maîtrisé. Dans bien des cas, la méconnaissance des mécanismes de réduction de coûts explique les dérives. À cela s’ajoute la pénurie de certains spécialistes capables de gérer efficacement ces infrastructures. La gestion d’environnements infonuagiques exige des compétences spécialisées et une bonne gouvernance.
Pour de nombreuses organisations, il s’agit de déterminer l’équilibre approprié entre l’infonuagique, l’infrastructure sur site ou une approche hybride, en fonction des besoins et contraintes spécifiques. Le choix de la plateforme et des services doit être basé sur les éléments qui apportent le plus de valeur à l’organisation et à ses clients. Afin de prendre cette décision, quels sont alors les facteurs qui devraient entrer en ligne de compte ?
Une décision qui commence par vos données
Avant de penser à la technologie, pensez à vos données.
- Où sont-elles générées?
- Où doivent-elles être traitées?
- À quelle vitesse devez-vous y accéder?
- Quel est le niveau de criticité de chacune?
Un bon indicateur est ce qu’on appelle la Gravité des données; une métaphore empruntée à l’astronomie pour expliquer l’attraction exercée par les données sur les systèmes qui les utilisent. Par exemple, si votre base de données principale est dans le nuage, il est souvent logique d’y héberger aussi vos applications, pour éviter les allers-retours coûteux ou lents entre vos systèmes et vos données. Si, à l’inverse, vos équipements industriels, par exemple, génèrent des données en temps réel sur site, vous avez tout intérêt à les traiter localement, près de leur source, pour éviter les délais et les risques de déconnexion.
Comprendre la gravité des données vous aide à choisir l’emplacement optimal de vos systèmes TI. Ce n’est pas qu’une question de technologie, mais bien de logique opérationnelle et d’efficacité.
Sur quelle planète atterrir ?
Maintenant que vous avez une meilleure lecture de vos différentes données et des services qui les supportent, il est temps de choisir le(s) bon(s) « terrain(s) d’atterrissage(s) » pour les systèmes qui les utilisent. Vous devez déterminer l’environnement qui vous permettra d’en tirer le maximum de valeur. Autrement dit, où héberger vos applications, vos services et vos ressources TI pour qu’ils soient efficaces, sécurisés, durables tout en respectant le concept d’attraction que nous venons de démystifier.
Il existe trois grandes options, chacune avec ses forces, ses limites et ses zones d’application préférées. Aucune n’est intrinsèquement meilleure que l’autre, car vos choix seront aussi influencés par votre contexte d’affaires, vos ressources internes et vos priorités stratégiques.
1. L’infrastructure sur site (on-premise)
C’est le modèle classique. Vos serveurs et équipements sont installés dans vos locaux ou dans un centre de données que vous gérez. Cela signifie plus de contrôle, mais aussi plus de responsabilités : mises à jour, sécurité, sauvegardes, etc.
- Avantages : Contrôle total, proximité des données, conformité.
- Inconvénients : Investissements initiaux élevés, maintenance continue, risque d’obsolescence. Les technologies émergentes prennent souvent plus de temps à être disponibles sur site et nécessitent des expertises poussées. Il faut aussi prévoir la redondance et des plans de reprise après sinistre, ce qui augmente les coûts.
Idéal pour les environnements nécessitant un contrôle strict des données et une faible latence, comme l’industriel ou pour les infrastructures supportant des données critiques.
2. Le nuage (infonuagique)
Il existe le nuage public (Azure, AWS, Google Cloud), privé ou encore partagé. Dans ce modèle, vos données et applications sont hébergées à distance, accessibles via Internet. Cela réduit les investissements en matériel, mais implique une dépendance envers un fournisseur externe.
- Avantages : Flexibilité, rapidité de déploiement, évolutivité des ressources à la demande, accès simplifié à des technologies innovantes (IA, analytique avancée, etc.), et modèles de coûts adaptés à la consommation.
- Inconvénients : Dépendance à un fournisseur et nécessité d’une gouvernance accrue pour gérer la sécurité et contrôler les coûts.
Particulièrement adapté aux entreprises en croissance ou en transformation qui doivent déployer rapidement des services accessibles à distance et gérer des besoins variables en ressources. Ce modèle permet aussi d’accéder facilement à des services modernes ou spécialisés qui exigent de grandes expertises, ou qui seraient difficilement disponibles et/ou abordables sur site.
3. L’infrastructure hybride
Historiquement, l’infrastructure hybride signifiait combiner sur site et nuage, le meilleur des deux mondes. Avec cette approche, vous pouvez garder certaines applications critiques sur site, et transférer d’autres services dans le nuage. Cela permet de moduler selon les besoins, les contraintes réglementaires et les préférences internes, tout en bénéficiant des services modernes ou émergents qui souvent, ne sont disponibles uniquement que dans le nuage, ou à des coûts beaucoup plus compétitifs que sur site.
- Avantages : Adaptabilité, transition progressive, meilleure résilience.
- Inconvénients : Complexité de gestion, nécessité d’une bonne orchestration des flux, et parfois recours à des services modernes ou hautement spécialisés, difficilement disponibles ou abordables sur site.
Le modèle hybride demeure une voie privilégiée pour concilier conformité, criticité et agilité.
L’arrivée d’options de souveraineté dans le nuage vient renforcer son attractivité et démontre que sécurité et conformité peuvent désormais être atteintes autant en mode hybride qu’en 100 % cloud.
Aujourd’hui, nous entrons pleinement dans l’ère de la gravité où les données, les utilisateurs et les obligations réglementaires dictent où les services doivent résider. Cette approche stratégique devient encore plus cruciale avec l’émergence de nouvelles solutions souveraines, telles que celles annoncées par Microsoft en juin 2025 pour l’Europe.
Avec cette annonce, Microsoft renouvelle son engagement avec Microsoft Sovereign Cloud, désormais décliné en trois offres complémentaires :
- Nuage public souverain : les données restent dans le pays, sous législation locale, accessibles uniquement par du personnel local, avec un chiffrement maîtrisé par les clients.
- Nuage privé souverain : permets aux environnements Azure locaux, isolés ou privés, d’héberger Exchange, SharePoint ou Microsoft 365, avec un contrôle total sur la sécurité et la continuité.
- Partenaires nationaux Nuages : opérés en partenariat avec des acteurs nationaux pour offrir des solutions répondant aux exigences juridiques locales.
Cette vague européenne marque un tournant stratégique qui touchera éventuellement le Canada. Dans ce nouveau contexte, les infrastructures hybrides ne sont plus seulement modulables, elles deviennent des environnements à gravité variable, capables d’adapter localisation, protection et souveraineté des données à volonté.
Dans un monde où la gravité change selon les secteurs (santé, finance, gouvernance…) et les risques géopolitiques, choisir la bonne gravité devient un levier de confiance et de compétitivité. Ce n’est plus seulement une architecture technique, c’est une posture stratégique.
Choisir son infrastructure TI, c’est aujourd’hui bien plus qu’un choix technologique, c’est un acte stratégique structurant. À l’ère du Gravity-first, vos décisions doivent s’aligner avec l’endroit où vos données vivent, évoluent et génèrent de la valeur. Mais surtout, elles doivent soutenir vos priorités d’affaires : agilité, flexibilité, rapidité de mise en marché, accessibilité des données aux bonnes personnes au bon moment, et compétitivité durable auprès de vos clients.
Il n’y a pas de solution unique, mais il existe une configuration optimale qui respecte vos contraintes, vos ambitions et votre réalité opérationnelle.
Ce qu’il faut retenir
En posant les bonnes questions dès maintenant, vous serez en mesure de bâtir une infrastructure qui ne vous enferme pas, mais qui s’adapte à votre évolution. Ce que vous mettez en place aujourd’hui doit être capable de vous suivre demain, peu importe la direction que prendra votre gravité.